En jeu : la construction d’une approche éducative globale du parcours de l’enfant. Où tous les temps comptent : celui de la classe, des loisirs, des copains, de la famille, du temps libre. Et tous les espaces aussi : celui de la rue et de l’espace public, des équipements — bibliothèques, musées, théâtres, Conservatoire à rayonnement régional —, de l’école, de l’environnement urbain et naturel…
En coulisses, cela suppose un travail de coordination entre tous les services de la Ville, de tissage souvent invisible avec les nombreux partenaires éducatifs — le but étant vraiment de penser l’enfant comme un tout et pas comme un être fragmenté.
Ce travail de fond relève parfois d’un véritable changement de culture. Penser l’enfant, la place du plus fragile, c’est penser la ville de demain habitable pour tous ?
Futurs citoyens éclairés
« Trop longtemps, dans les villes contemporaines occidentales, et en France en particulier, les enfants sont restés les grands oubliés de la fabrique de la ville, souvent maintenus dans des aires dédiées, à l’écart de la vie urbaine », souligne le philosophe de l’urbain Thierry Paquot. « Sans oublier aussi les effets de la fascination des écrans, de la peur qu’ont les parents de les laisser sortir et qui font des enfants d’aujourd’hui de plus en plus une génération “d’intérieur.” »
Comment inventer une ville davantage à hauteur d’enfant, créer les conditions d’un environnement à la fois sécurisant mais aussi adapté à leur croissance et ouvert à leur imagination ? Pour de nombreuses collectivités locales, cette question de la place des plus jeunes usagers et de leur appropriation de l’espace public est devenue centrale. Elle rejoint celle de leur devenir d’individus épanouis mais aussi, et surtout, de citoyens éclairés, aptes au vivre-ensemble.
À Grenoble, cette réflexion s’incarne d’abord par l’importance accordée au jeu et à la découverte de la nature avec le développement des aires de jeux et parcs de proximité. Des espaces dont la conception évolue, qui donnent à sentir et à éveiller. Qui offrent des prises à l’enfant sur son environnement en intégrant l’inorganisé, l’imprévu, en redonnant place aux cinq sens dans la ville, en lui permettant d’expérimenter, de développer une attention élargie au monde et non pas focalisée comme devant les écrans…
La ville pour et par les enfants
Repenser l’aménagement de la ville à l’échelle des enfants, c’est aussi le sens du chantier Métropole apaisée : une ville composite, à petite vitesse, moins polluée, que l’on parcourt à pied ou à vélo. Où les enfants circulent sans danger, jusqu’à l’école au moins. « L’objectif est d’opérer une réelle bascule en matière de sécurité », explique Lionel Faure, chef de projet à la Métro. « Plutôt que de miser sur des équipements passifs au service des automobilistes, du type crayons jaunes à la sortie des écoles ou bouton-poussoir aux feux, il s’agit de donner la priorité aux plus vulnérables et de travailler à une évolution des comportements, où chacun est attentif à chacun et aux autres. »
Avec quelques réalisations déjà à l’appui : piétonisation du périmètre de l’école aux heures d’ouverture (école Anthoard), changement du plan de circulation (école Ampère), création d’une zone de rencontre avec limitation à 20 km/h (école Bayard), voire la suppression de certains feux tricolores dans la ville et la mise en place de mobilier urbain à taille d’enfants, comme y travaille aussi aujourd’hui l’expert en lien avec les services grenoblois.
Favoriser l’appropriation de la ville par les enfants c’est aussi créer des dispositifs de participation et d’écoute, qui les considèrent comme de véritables interlocuteurs dans toute leur diversité — selon leur âge, leur appartenance socio-économique, leur genre, leur lieu de résidence… Sondages, boîte à idées, murs d’expression, journal, Assises ou Journée sur les droits de l’enfant, création d’un conseil municipal des jeunes… les idées ne manquent pas. L’envie des plus jeunes non plus, comme le résume avec ses mots, Lucie, 14 ans : « Il ne suffit pas d’écouter gentiment ce qu’on a à dire, mais aussi de faire avec et d’agir en conséquence ! »
Dis-moi quelle place tu me dessines, je te dirai quelle ville tu es…
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